La recherche porte sur l’apport des technologies dans le soutien du français écrit. L’importance et l’omniprésence de l’écriture de même que la croissance de l’utilisation des aides technologiques pour améliorer la qualité du français écrit spécifiquement chez les adultes ayant un trouble d’apprentissage ont d’abord intéressé Tremblay et Pitre (2016). En effet, alors que la lecture continue d’être très importante pour tous, de plus en plus d’adultes rapportent qu’ils éprouvent des difficultés en lecture et en écriture et qu’ils ne sont pas suffisamment fonctionnels dans ces tâches. Les moyens sont très rares pour les assister en lecture et en écriture et ce qui existe est peu documenté. Conséquemment, il n’y a pas de données sur les effets de l’utilisation des fonctions d’aide technologique (ex.: édition de texte, dictionnaires, révision-correction et rétroaction vocale). Rappelons que la notion de fonctions d’aide permet de distinguer la fonction (ex. : révision-correction) du produit ou de la marque (ex. : Antidote). Compte tenu de ce qui précède, il est difficile de connaître l’impact réel des fonctions d’aide technologique sur le processus d’écriture de même que sur la qualité du français écrit.

Les différentes fonctions d’aides
Parmi les 19 fonctions d’aides technologiques décrites par Tremblay et Chouinard (2013) , quatre ont été retenues pour la présente étude : édition de texte, dictionnaires, révision-correction et rétroaction vocale. Les sujets ont été accompagnés dans l’utilisation des fonctions d’aide technologique ce qui a permis de mesurer l’effet de l’utilisation des quatre fonctions d’aide choisies ainsi que l’effet de l’accompagnement sur l’amélioration du français écrit.
Dans ce contexte, les données ont été recueillies grâce aux rédactions hebdomadaires produites par les cinq sujets dans le cadre d’un devis à cas unique. Les sujets, suivis pendant 15 semaines, ont bénéficié d’un soutien individualisé dans le développement de stratégies d’écriture soutenues par les fonctions d’aide technologique. Les données recueillies permettent aux chercheurs de dégager certaines pistes d’action. Bien que ces dernières ne soient pas validées par un devis de groupe, elles peuvent constituer des pistes intéressantes pour l’accompagnement de personnes ayant un trouble d’apprentissage dans leur évolution vers un meilleur français écrit en étant soutenus par les technologies.
Écriture à l’ordinateur
Tremblay et Pitre (2016) suggèrent aux personnes vivant avec un trouble d’apprentissage d’écrire à l’ordinateur avec une édition de texte plutôt que d’écrire à la main. Ils proposent aussi des pistes d’intervention et d’action basées sur les résultats obtenus avec les cinq sujets :
- Offrir un accompagnement d’une durée d’au-delà de 15 semaines.
- Aider l’adulte ayant un TA à développer sa stratégie d’écriture en utilisant des fonctions d’aide technologique dans une séquence qui tient compte de ses forces cognitives. La stratégie pourrait être un chevauchement des processus d’écriture (proposition – traduction – transcription – révision) et non pas une séquence (plan de rédaction – rédaction – correction).
- Évaluer la qualité du français écrit à partir d’au moins trois performances écrites avant de choisir les fonctions d’aide ou les interventions.
- S’assurer qu’il y ait une valeur ajoutée réelle pour la fonction rétroaction vocale lors de l’utilisation, car son effet sur la qualité du français écrit est mitigé.
- Proposer la fonction d’aide Révision-correction en priorité en complément à l’Édition de texte dans les cas où la principale difficulté est liée à la production des mots écrits lors de l’écriture à la main.
- Associer la révision des règles de grammaire qui ne sont pas acquises à l’utilisation des fonctions d’aide Édition de texte et Révision-correction dans les cas où la connaissance de celles-ci est insuffisante.
Bref, ils estiment que ces pistes pourraient constituer un premier pas vers des changements de pratique. Notamment, ils recommandent que l’utilisation des fonctions d’édition de texte et de révision-correction soit assortie d’une condition essentielle, c’est-à-dire un accompagnement sur la technique du logiciel ainsi que sur le développement de stratégies d’écriture intégrant ces fonctions d’aide. En contrepartie, ils appellent à une certaine réserve en ce qui concerne l’utilisation des fonctions dictionnaires et rétroaction vocale puisque leurs données montrent l’efficacité moins constante de ces outils.
Quelles sont les limites?
Les limites de cette recherche portent sur le choix d’un devis à cas unique plutôt que sur un devis de groupe ; sur le côté artificiel du contexte, c’est-à-dire que les sujets étaient placés dans des situations idéales pour réussir et non pas dans un contexte d’examen ou de rédaction en classe; sur le fait que la grille ne tenait compte que du résultat de l’écriture et, de ce fait, ne permettait pas l’évaluation du processus d’écriture du sujet ; sur le fait que la grille de correction qui a été utilisée révèle essentiellement les erreurs grammaticales excluant d’autres aspects témoignant de la qualité d’un texte tels que la complexité syntaxique, la richesse du vocabulaire ou la spécificité (origine) des erreurs d’orthographe. Or, comme ces derniers aspects sont pris en compte par les professeurs lors des évaluations des apprentissages, il demeure pertinent d’en tenir compte dans l’analyse des besoins concernant les aides technologiques. Tout ceci ne permet pas de corréler l’utilisation des fonctions d’aide et la réussite.
En conclusion, les chercheurs soulignent l’importance du choix des fonctions d’aide ainsi que de l’accompagnement. Ils enjoignent le milieu (chercheurs collégiaux et universitaires venant de différents domaines) à collaborer et à poursuivre les recherches pour créer un champ de connaissances spécifiques aux aides technologiques. Tremblay et Pitre (2016) suggèrent notamment des recherches exploratoires en lecture et autres habiletés cognitives, des expérimentations en contexte réel et, bien sûr, l’utilisation de devis de groupe sur une ou plusieurs des neuf hypothèses de recommandation qu’ils émettent. Cette recherche s’inscrit dans un courant de valorisation de la diversité. D’une part, l’augmentation des besoins des adultes ayant un trouble d’apprentissage nécessite une meilleure connaissance sur le sujet, d’autre part, la méthode essai-erreur très souvent utilisée mène parfois ces individus à une plus grande situation de handicap plutôt qu’à une participation sociale, réduisant ainsi le potentiel contributif de nombre d’entre eux.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le rapport complet de recherche.